1897 - Miracle à NOVELLA

NOVELLA, petit village de la piève d'Ostriconi, semble être voué à l'oubli en cette fin de 19° siècle. La construction de la voie de chemin de fer le fait à peine connaître. Une grande nouvelle rend le village tout d'un coup célèbre "la Vierge a érigé un trône de miséricorde dans l'église de Novella".
L'église paroissiale actuelle est dédiée à Santa Croce. En 1880, le curé Lanzalavi décide sa construction au centre du village à l'emplacement même du campanile existant depuis 1740.
Ses dimensions sont imposantes. On remarque un autel en marbre dédié à Saint Léonard et plusieurs peintures. Selon l'abbé Filippini qui s'est intéressé à la construction de l'église, ces peintures appartenaient à l'ancienne église de Cruscani, placées sous le vocable Saint Côme et Saint Damien. Les frères jumeaux, Côme le médecin et Damien l'apothicaire vivaient à Egée au III° siècle. Une ancienne tradition raconte qu'ils soignaient avec le même dévouement les âmes et les corps. Ils furent torturés et exécutés sous Dioclétien. Ils furent l'objet d'un culte dans toute l'Europe.
Dans la chapelle de droite, on remarque le tableau de la vierge. L'enfant Jésus qu'elle tient sur son bras gauche "s'élance pour bénir dans une posture impossible". Ce tableau mesure lm75 sur lm20. Il ne porte aucun nom et n'appartient à aucune école. Le fait qu'il soit peint sur toile, laisse présumer qu'il est de réalisation récente. Au premier plan, deux personnages sont représentés : à gauche, Saint Roch accompagné de son chien, montre sa plaie. Saint Roch est invoqué dans les cas de peste, et aussi pour les maladies infectieuses.
Le personnage de droite fait l'objet d'une polémique, en 1897, entre l'abbé Salducci d'Arègno et l'abbé Marietti de Muro. Le premier croit reconnaître Saint Raymond de Pennafort. Ce saint participa à la fondation de l'ordre de Notre Dame de la Merci. On raconte que parmi d'autres miracles, il étendit un jour son manteau sur la mer et parcourut la distance entre les Iles Baléares et Barcelone.
"Tout ceci est faux" affirme l'abbé Marietti et, avec lui, toute la population de Novella. Ce tableau a toujours été appelé "U Quadru di San Léonardo di Cruscani". Les habitants invoquent ce saint pour la guérison des petits enfants et la délivrance des femmes enceintes. Les mères donnent volontiers ce prénom à leur nouveau né, en reconnaissance de leur heureuse délivrance. Ce tableau vénéré possède la particularité de se recouvrir régulièrement tous les 5 à 6 jours de nombreuses gouttes de sueur. Le tableau "transpire" non seulement pendant les fortes chaleurs, mais aussi la nuit en plein hiver.
Quelle est donc la cause de ce phénomène ?
Est-ce un phénomène chimique ! Non "c'est un miracle" affirme-t-on à Novella "Sta confidenza e ste grazie continuanu sempre. E ava si parla chi a guaritu un cattivu male nantu a nasu di una donna dopu sette anni, chi era addulurata malgradu cure di vinti duttori, di un sordu mutu clsente e parla, di dui o tre ciechi che bedenu e di un'infinita di grazie attenute ....""
Le sieur ORABONA Joseph Antoine de Novella "sourd des deux oreilles", n'entendant plus ni le train, ni les cloches est aujourd'hui complètement guéri.
Bientôt l'idée d'organiser des pèlerinages, paroissiaux est émise et réalisée. Muro dont le signal, l'abbé Marietti qui en fait parti devient l'historiographe. Pas un seul jour ne se passe sans que le village ne reçoive des pèlerins arrivant de toutes parts :
- 140 personnes de Monticello
- 120 personnes de Corbara
- 70 personnes d'Aregno
- 30 personnes de Bastia
L'accueil le plus sympathique fut fait à des pèlerins du Cap Corse que les fatigues de se long voyage n'empêchent pas de venir à pied. Après deux jours de marche, 16 personnes de Barretali, s'agenouillent devant le tableau. Tous ces pèlerins portent sur la poitrine un signe distinctif, les uns une petite médaille, les autres un ruban bleu ou une croix rouge.
Le 29 septembre 1898 au matin, plus de 2 pèlerins des paroisses de Muro, Zilia, Nes, Félicito, Poggiola se donnent rendez-vous à la gare de Regino. De là, ils vont vénérer l'image miraculeuse de Notre Dame de Novella qui depuis plus d'un an attire à ses pieds tant de foule, et accorde tant de grâces à ceux qui vont l'invoquer avec confiance et amour. Les cloches carillonnent et saluent à leur manière les pieux pèlerins... Plusieurs filles de Novella, habillées de blanc et portant des bouquets de fleurs prennent la statue de Notre Dame, tandis que les demoiselles du pèlerinage, portent les cordons attachés autour de l'image bénite.
De leur côté, les garçons portent pieusement un tableau du crucifix des miracles de Muro. La foule déjà importante aux gares de Belgodère et de Palasca, augmente encore avec les personnes venant des cantons d'Olmi Capella, de Lama et de Murato.
Toute la paroisse de Novella se rend en cortège à Notre-Dame, et à l'entrée du village la foule atteint 500 personnes.
A cet instant, le spectacle est vraiment, imposant. Après une courte et fervente prière au Saint-Sacrement, les pèlerins se tournent tous vers l'image bénite. A 11 heures, la messe est célébrée par le curé de Muro, assisté par les curés d'Urtaca et de Brustico ; les orgues sont tenues par le curé de Zilia.
Nouvelle réunion à l'autel de Notre-Dame selon le programme de la fête, à ce moment là, on devait distribuer des souvenirs à chaque pèlerin, mais les objets n'étant pas arrivés à temps, Monsieur le curé, archiprêtre de Calvi s'est contenté d'en remettre un, au nom de tous, au pieux et zélé curé de Novella "Orsini" (voir photo de la médaille de Novella). L'église de Novella, par ses dimensions, sa décoration, son histoire, témoigne de l'esprit bâtisseur et de la foi sublime de nos aîeux. Dans un médaillon, tout en haut de la voûte, figure cette inscription : "la maison de prière, ma maison" "Orationis domus, domus mea".

Anne-Marie ORABONA